Ils s'appelaient Charles Tréard et Marcel Gagnon, c'était 2 poilus ordinaires
L'un venaient de sa Bretagne et s'était marié avec une parisienne de la Porte de la Villette, Clémentine, elle était vendeuse aux Galeries Lafayette, lui électricien dans le magasin
L'autre venait du Perche, comme beaucoup de Gagnon, près de Châteauneuf sur Loire, un village Cigloy, paysan, célibataire, garçon de ferme , il lorgnait sur la fille de la ferme voisine, une belle plante Amandine
Amandine, elle était plus où moins fiancée avec un autre gars, elle ne regardait pas trop le Marcel
Ils sont partis tous les 2, comme les autres et il n'y avait aucune raison qu'un jour leurs vies se croisent
Ils ont vécu l'enfer, chacun de leur côté, pour la France qu'ils aimaient, pour leur terre, leur Patrie, parce qu'à l'époque, c'était sacré la Patrie
Je sais que Charles était au chemin de Dames, je ne sais rien sur Marcel , je ne l'ai pas vraiment connu
Quelle importance ?
Ils sont revenus, tous les 2, ils avaient été gazés, Marcel avait une jambe en moins, Charles avait été défiguré par une lance de Uhlan qui lui avait labouré le visage, lui, si bel homme avant
Entre temps, Amandine avait voulu donner un gage d'amour à son gentil fiancé, il a été tué en début 15
Mais voilà, il ne savait pas que le gage d'amour s'était transformé en enfant de la honte
Lorsqu'il Marcel est revenu dans son village, la jolie Amandine avait son enfant, la famille lui a fait épouser Marcel, pensez donc, un invalide de guerre, il avait une belle pension , elle s'est pliée aux diktat du père, on ne discutait pas avec le vieux
Ils sont parti à Paris, il n'y avait plus de place pour eux à la ferme, c'était mieux comme ça
Ils se sont installés Faubourg Montmartre et d'autres enfants sont nés
Pendant ce temps là, Charles avait retrouvé sa Clémentine, et une petite fille était née, un miracle, les hommes de la famille n'étaient pas revenus, une hécatombe, toutes les sœurs et les belles sœurs étaient veuves et sans enfant, alors la petite, c'était le renouveau de la vie au milieu de toutes ces femmes
Marcel n'a pas vécu aussi bien , l'alcool, les blessures, surtout les souvenirs qui le hantaient, sa jolie Amandine souffrait aussi , à l'époque il n'y avait pas de cellules psychologique pour le retour des combattants
Un jour, la jolie Amandine est partie avec un autre, qui devait la rendre heureuse pendant plus de 50 ans , mais c'est une autre histoire
Mais…..
La petite fille de Charles et Clémentine a un jour croisé le chemin d'un des garçons de Marcel et voilà comment les 2 destins de ces poilus ordinaires ont fini par se croiser
Ils ont fait connaissance, ils se rencontraient au coin de la rue Corentin Cariou et de la rue de Cambrai, dans un bistrot en face des abattoirs, ils tapaient la belote avec d'autres anciens combattants
Ils avait fait la der des der pour que leurs fils n'aillent pas à la suivante
C'était loupé, les fils de Marcel et le gendre de Charles se sont tapés la suivante
Les vieux, ils chantaient " Maréchal nous voilà" ils l'avaient connu l'ancien, c'était un vrai soldat, ils l'avaient vu sur la Marne, ils le vénéraient
C'étaient 2 poilus ordinaires, ils n'ont pas été résistants, ils n'ont pas fait d'exploits en 40, d'après ce que je sais, ils ont seulement pleuré quand les allemands ont traversé Paris et ils espéraient seulement que leurs gars reviendraient sains et sauf
C'était mes 2 grands pères
Demain, je mettrai un drapeau sur ma fenêtre, pour eux
Très émouvant, j'en ai les larmes aux yeux. Mes 2 grands pères étaient à Verdun eux aussi, ils ont vécu des horreurs. Ma grand mère en parlait un peu, mon grand père pas du tout. Je n'ai pas connu mon grand père maternel qui est décédé quand maman avait 16 ans d'un accident de voiture. Je crois que c'est maman qui m'a raconté le plus de choses qu'elle avait apprises par son père. Mais on n'en parlait quasiment pas, une autre guerre était passée par là. Tous ces poilus avaient vu des choses trop horribles pour en parler...
RépondreSupprimerDemain, je vais aller à la messe et à la cérémonie au monument aux morts comme je le fais tous les ans.
Et je vais peut-être me replonger dans la lecture des lettres que mon grand-père envoyait du front à sa fiancée (ma grand mère) et qu'elle a pieusement conservées.
En souvenir de vos deux grands-pères et de tous les poilus :
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=PKYvIcqYvW0
Merci pour ce billet si émouvant !
Une histoire émouvante Danièle.
RépondreSupprimerNous avons tous dans nos familles des récits de ce genre pour nos grands-pères ayant vécu la der des der. J'ai hérité de la correspondance de mon grand-père maternel avec ma grand-mère de 1915 à 1919, et en lisant ces lettres on est à même de comprendre ce qu'ils ont vécu, du dégoût de cette boucherie qui laissa des traces...
la génération suivante, celle de mon père qui a été engagé en janvier 1941 sur la Jeanne d'Arc, bateau disciplinaire de la marine à cette époque là, en a manger du "Maréchal nous voilà", au point de se mutiner avec 70 de ses camarades pour aller rejoindre De Gaulle.
Bises et bon dimanche
Mon drapeau flotte à mon balcon ce matin, en l'honneur de tous ces braves.
RépondreSupprimerET bien, moi-aussi, je te remercie pour ce billet, on est loin de certaines "foires" prétendant commémorer ! un de tes plus beaux textes.
RépondreSupprimerBises, chère Danielle
Gilles
Une histoire familiale et les émotions de ces vies brisées , les familles tentaient de s'en remettre à la va comme je te pousse... c'est certain les "revenants" de la première guerre ne devaient pas avoir envie de voir l'histoire bafouiller
RépondreSupprimertoutes les familles ont été atteintes à un degré divers.
je préfère les commémorations locales au grand spectacle qui veut mettre un point final comme si chaque traité de paix ne contenait pas les ferments actifs de la prochaine guerre ici...ou plus loin !
J'ai beaucoup aimé ton billet. Merci de nous avoir fait partager cette part de ta vie. Il fait réfléchir.
RépondreSupprimerDes bises!
Les romans les plus émouvants ne se trouvent pas toujours dans les bibliothèques, ils sont parfois dans un coin du cœur ou un recoin de l'âme.
RépondreSupprimerPour mon aïeul, mort en 16 (laissant un garçon de 4 semaines, une fille de 2 ans et une femme désemparée), je n'irai pas écouter le clairon qui sonne non par anti conformiste mais par respect pour toutes ces victimes ne voulant m'associer en rien à la duplicité de tous les camelots/marionnettes du jour.
Je pense à lui tout simplement et ce "pourquoi" qui tourne en boucle...
Le Page.
Bravo, l'amie! Ce n'est pas tout de commémorer, il faut savoir se souvenir.
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