Hier au soir, nous avions ouvert la fenêtre en grand dans la chambre
Il y avait enfin un bon souffle d'air et ça faisait du bien après les soirs précédents
Tout en étant plongés dans nos livres respectifs, nous entendions les cris et les rires des mômes en bas de l'immeuble
De l'autre côté de la cour, il y a 2 escaliers où les familles sont originaires d'Afrique, ceux-là ne partent quasiment jamais l'été, contrairement aux maghrébins qui retournent en vainqueurs avec des voitures chargées vers le bled
Du coup, le soir, les mômes s'en donnent à cœur joie , jeux de ballons, vélos, courses poursuites et criaillements
De temps à autre, venant de l'immeuble d'en face, quelqu'un se penche à la fenêtre et se manifeste d'un " pas bientôt fini le bordel ? fermez un peu vos gueules " si c'est pas très élégant, ça reste efficace, tout au moins pour quelques minutes
Je me suis alors souvenu de ma petite enfance, j'habitai une rue très calme, avec plein de pavillons et de petits jardins, c'était un quartier ouvrier
Les gens travaillaient aux chemins de fer , à la poste, dans les usines des alentours, des gens modestes, avec des tas de gosses , venant d'Italie, d'Espagne, de Pologne ou de Bretagne , du Massif central ou du Berry , les femmes se retrouvaient à la messe et les hommes au local du PCF ou du syndicat
Sitôt le repas du soir avalé, les gosses sortaient dans la rue, se retrouvaient par tranches d'âges, les petites filles avec leurs poupées, les petits garçons avec les billes, les moyens avec les vélos ou les patins à roulettes, les plus grands , garçons et filles frimaient en se regardant en biais, en se moquant des petits couples qui se formaient tout en les enviant , en discutant à coups de rires et de messes basses
Puis arrivaient les parents sitôt la vaisselle faite et la maison en ordre, chacun sortait qui sa chaise, qui son banc, les groupes se formaient, les femmes discutant, les hommes fumant et échangeant les nouvelles, le tour de France était bien souvent le plus grand sujet des discutions , Poulidor, Anquetil, Darigade, on comparait les grandes étapes avec Robic et Bobet , ah c'était quelqu'un le Louison finissait toujours par dire un des gars
Parfois les voix s'élevaient, la politique était venue sur le tapis, c'était pas le moment de faire des grèves, mais " on verrait ça à la rentrée non de Dieu ! on allait tout de même pas se laisser faire " alors les femmes , mine de rien, ramenaient les discutions sur des choses plus légères, certaines avec des propos un peu plus osés qui faisaient éclater de rire les hommes et pouffer les femmes " eh ta Ginette, hein Marcel..."
Parfois, pour une occasion, on amenait une bouteille, chacun apportait son verre et on trinquait à un anniversaire ou à la réussite de l'aîné qui remplissait de fierté ses parents
Quand la nuit tombait pour de bon, que quelques petits s'étaient endormis sur les genoux de leurs mères, on sonnait le rappel, les femmes se levaient des chaises en tapotant leurs jupes, les hommes éteignaient la dernière gauloise, appelaient plusieurs fois les gamins pas décidés en faisant la grosse voix, " faut que j'aille te rentrer toi ?" et chacun après un bonsoir général, rentrait dans sa maison
C'était une autre époque, une autre vie, sans télé, sans hanouna, sans bfm, où le curé en soutane pouvait discuter avec l'ouvrier communiste, où les gamins pouvaient prendre un coup de pieds au cul par un voisin ou l'instit pour lui apprendre à respecter ses aînés et la politesse
C'était il y a longtemps, un autre siècle, une autre vie
Pourtant, il n'y a pas si longtemps que j'étais petite......
Mon Dieu... Que de bons souvenirs vous me rappelez.
RépondreSupprimerC'est la douce France que nous aimions, celle dont, secrètement, nous espérons le retour.
François
et qui, hélas,ne reviendra jamais, il est trop tard !
Supprimerc'est drôle mais malgré l'absence du "progrès qui simplifie tout" je trouvais la vie plus facile aussi...
RépondreSupprimerla vie était plus simple, plus droite, on se posait moins de questions , autre temps autres mœurs
SupprimerTrès joli texte, plein de souvenirs, de saveurs, de bruits et de brins de vie.
RépondreSupprimermerci ma poule ! bisous
SupprimerBien qu’habitant la campagne j'ai connu quelque chose comme ça. On prenait le frais disait-on.
RépondreSupprimeroui, c'était tout a fait ça ! on prenait le frais, je me rappelle bien la phrase !
SupprimerIl n'y a pas si longtemps mais comme tout a changé! Je me souviens moi aussi de ces soirs d'été qui ressemblaient aux tiens.
RépondreSupprimerc'est drôle comme nous sommes nombreux à avoir ces souvenirs, la France éternelle ou est-elle ?
SupprimerTrès joli billet nostalgique. En fait, c'est la voiture qui a tout foutu en l'air. Avant, les rues étaient faites pour jouer, causer et se retrouver. Maintenant, plus question: on est obligés de se claquemurer chez soi. Ensuite, la télé est venue et là, ça a vraiment été la fin. Ceux qui sortaient encore un peu le bout du nez l'ont collé sur l'écran et ça a été fini. Ces deux inventions-là ont été une catastrophe.
RépondreSupprimerJe vais me le relire ton billet, tiens. Ça va me faire du bien de rêver à cette époque-là.
c'est surtout la télé, au début c'était des émissions instructives mais maintenant c'est Ruquier et hanouna, l'abrutissement du populo, plus personne ne parle à ses voisins ! à lundi, bises à vous 2
SupprimerMerci pour ce rappel Boutfil,un peu douloureux.Avez vous des nouvelles de Marc??Amitiés.
RépondreSupprimerJ-J S
pas douloureux, nostalgique seulement, j'ai eu Marc au tel il y a 3 semaines, il est du genre à ne pas téléphoner si on le fait pas ce casse pieds ! j'espère au moins qu'il lit encore les blogs, il verra donc , dans ce cas, votre soucis de lui, qu'il apprécieras, c'est pas un mauvais gars :):)
Supprimeramitiés
Merci chère Boutfil.
SupprimerJ-J S
je repasse lire ce matin rien que pour le plaisir et le souvenir...
RépondreSupprimersi tu as l'occasion de le lire il y a "En vieillissant les hommes pleurent" de Jean Luc Seigle qui parle de l'arrivée de la télévision et du formica... et cette phrase que j'ai noté : " Je n'aime pas ce qu'il faudrait que je soit, je n'aime pas me réjouir de cette vie, je suis d'un autre temps que je n'ai pas su retenir..."
ah si tu repasse 2 fois où allons nous :)
Supprimerje ne sais pas si j'aurai aimé retenir un autre temps, pour moi il n'a pas toujours été rose, bien loin de là ! mais peut être en garder les meilleurs choses comme si on pouvait choisir ce que l'on retiendrai, mais le temps est assassin disait je ne sais plus qui !
bises
J'allais écrire un billet un peu semblable au vôtre, sur la politesse et la bienséance.
RépondreSupprimerMême si je suis né dans les années soixante, j'ai connu enfant un peu de ce temps-là. Je suis un citadin, mais mes grands-parents étaient fermiers et ma sœur et moi, passions toutes nos vacances scolaires à la ferme. C'est une époque révolue mais qui nous laisse comme un goût amer de nostalgie.
Bises à vous !
voilà un billet que vous allez écrire qui sera sans nul doute fort bon, car hélas, ce sont des choses qui se perdent !
Supprimerbises également
Parmi les changements, vous oubliez de citer l'horaire d'été (qui pendant l'occupation s'appelait "l'heure allemande"). En ces temps heureux d'après guerre, il faisait nuit une heure plus tôt. Les familles pouvaient encore se promener au crépuscule rafraichissant sans trop prendre sur le repos nocturne de celui qui devait se lever pour travailler le lendemain. Maintenant, après minuit l'on ne trouve que des enfants seuls dehors en train de surveiller leur lampadaire, que voulez vous donc qu'ils fassent d'autre que des bêtises....
RépondreSupprimerC'est vrai je n'y avais pas pensé à ça ! comme quoi, on oublie toujours un truc important dans les souvenirs
Supprimermerci de votre passage
C'est toujours un réel plaisir de te lire, merci d'évoquer ce moment de notre enfance.
RépondreSupprimermerci ma belle, c'est gentil !
SupprimerPour moi qui ai connu une période d'errance dans mon enfance (père était un chômeur professionnel), les déménagements étaient fréquents. Nous avons habité toutes sorte de logement crasseux. je me rappelle encore de ce jour béni où nous sommes rentré dans notre premier HLM. Il était neuf et sentait bon la peinture et la colle à papier. Luxe suprême, le WC n'était pas au fond de la cour et dans la salle de bain où trônait une baignoire, un deuxième était dissimulé derrière une cloison. Fini les corvée du seau d'aisance à vider chaque matin. De l'eau coulait des robinets et même de la chaude. Ce jour là, j'ai laissé derrière moi le plâtre des murs cloqués et crevé d'où sortait d'immondes araignées nocturnes, les punaises de lit aux piqures brûlantes, les poux et surtout la crasse quotidienne. Comment se laver sans eau chaude? Une fois par semaine, réunir tous les récipients de la maison. Les emplir d'eau au seul robinet disponible. Les faire chauffer, puis les déverser dans une grande bassine. Chaque membre de la famille peut enfin se laver à tour de rôle. j'étais le dernier, il me restait un jus infâme crémeux et grisâtre surmonté d'une croûte de crasse pour des ablutions qui me soulevait le cœur...
RépondreSupprimerQuelle délivrance que ce HLM. J'apprends maintenant que pour les nouveaux habitants, ce ne sont plus que des lieux d'aliénations que nous devrions être honteux de leur proposer. J'ignore si mes habitations antérieures existent encore, mais je peux leur en donner l'adresse, ils pourront se livrer avec délice au froid et vent coulis, au poêle unique dans la cuisine, au WC au fond de la cour, au lit glacé au draps humides et à la crainte de voir tomber une araignée du plafond boursoufflé qui laisse de temps à autre tomber quelques miette de plâtre humide...
j'ai connu certaines choses que vous décrivez mais en moins dramatique, avec mes parents nous habitions une petite maison de 3 grandes pièces sans salle de bain et les toilettes dans le jardin mais mes parents tenaient la maison très propre et en bon état, lorsque la famille s'est agrandie, c'est à dire au 7 eme enfant, ils ont fait construire une grande maison au fond du grand jardin avec tout le confort, ce qui, à l'époque était tout de même un grand luxe, car les maisons alentours s'équipaient petit à petit, mais tout le monde s'arrangeait au mieux, une autre époque, étions nous plus heureux ? plus malheureux ? aujourd'hui j'habite dans Paris un HLM très ancien, et d'après ma vieille voisine qui y a emménagé en 1950, pour l'époque, c'était très luxueux ! et c'est encore très agréable à y demeurer
SupprimerMerci pour ce moment (non pas celui concernant Mimolette ...).
RépondreSupprimerPendant un instant j'ai presque réussi à m'y croire ... et puis et j'ai ré-ouvert les yeux et j'ai regardé par ma fenêtre ... Tristesse ...
Et pourquoi tristesse ! la vie mon petit, la vie est belle, i suffit de la regarder en face et de l'apprivoiser
Supprimerje t'embrasse
Merci pour ce petit bijou, même quand on n'a pas connu cette vie de la rue (nous habitions pourtant en banlieue) on ne peut s'empêcher d'en ressentir la nostalgie.
RépondreSupprimeroh merci pour ce compliment, venant de toi, c'est un honneur !
Supprimeramicalement
A la lecture de cet admirable billet, que de souvenirs tu réveilles en moi (en nous tous) mais quand je constate l'état de ce pauvre pays, je te défends de mettre "de la buée sur mes lunettes".
RépondreSupprimerBises, chère Danielle.
Gilles
ah ben non pas de nostalgie triste enfin !
Supprimerbises mon cher Gilles
Ben oui, il n'y a pas si longtemps, moi il me semble que c'était hier, ou à la rigueur avant hier mais guère plus...Nous pouvons mesurer tout ce que nous avons perdu en si peu de temps, à cause de tout ce qui est censé faire notre bonheur...C'est ballot, pas vrai?
RépondreSupprimerGros bisous;
oui, le temps passe si vite, nous voici arrivés à l'âge où on nous laisse la place dans le métro et le bus quand c'est des gens bien élevés ! et pourtant on a encore le cœur plein d'allégresse et de jeunesse !
Supprimergros bisous